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ROBERT (Martial), Pierre Schaeffer : d'Orphée à Mac Luhan, Paris, éd. L'Harmattan, 2000, 18 planches, 496 p.

AVANT-PROPOS

"Travaille. Un grand exemple est un puissant témoin.

Montre ce qu'on peut faire en le faisant toi-même."

CHÉNIER (André)

(1762-1794)

 (in Poèmes, I, L'Invention.)

     Après une période où il n'était guère de bon ton de prononcer son nom, aujourd'hui, dans le monde de la recherche musicale comme dans celui des médias, on se réclame parfois d'avoir été -ne serait-ce qu'un jour- l'élève de Pierre Schaeffer. Dans un premier ouvrage biographique  : des Transmissions à Orphée(1), il s'agissait d'expliquer le cheminement de l'ingénieur des télécom­munica­tions vers la recherche musicale, le premier trajet. Cette expression "recherche musicale" a pris un essor considérable du fait de la création d'institutions, synonyme d'une reconnais­sance voilée. Des personnalités, appuyées des médias, se sont attribué les mérites de tels fourneaux à idées ou revendiquent quelque part d'héritage. Ce phénomène se produit également dans un autre domaine, car Schaeffer participa aussi au développement d'une recherche plus générale encore dans le monde de la communication : celle concernant les mass media, d'où cet autre parcours d'Orphée à Mac Luhan.

    Notre analyse a voulu se préserver des agitations excessives. En étant averti, autant par un ou deux ouvrages de réflexions, d'échanges, d'entretiens avec le personnage(2) et plus encore peut-être par les contours du meneur redoutable, dessinés dans le roman symbolique du compagnon d'un temps(3), que par le témoignage de rapports humains devenus difficiles avec ceux qui avaient osé positionner l'observateur en observé, la méfiance s'imposait... De même, les premiers interviews d'électrons hier proches du noyau, révélaient que leurs souvenirs ne lui étaient certes jamais indifférents, mais gorgés de passion fervente ou de gêne, sinon de haine, et qu'il serait donc impossible d'y quérir quelque objectivité. Mieux valait travailler uniquement à partir des archives institutionnelles(4).

     Le nom de Pierre Schaeffer est bien souvent présent dans les ouvrages de références de nos bibliothèques mais seulement en raison de son activité d'inventeur de la musique concrète, sans autre explication, procédé qui rétrécit considérablement la démarche du musicien-chercheur. De plus, les chronologies et bibliographies concernant la communication, oublient elles, presque toujours, de mentionner l'activité de l'homme de radio-télévision, alors qu'il fut un des premiers chercheurs concernant les mass media, et le premier en France. Cependant, ici ou là, il n'est pas rare de constater qu'il est brièvement cité dans un ouvrage historique, sinon général, sur la radio, en raison de la création de telle ou telle structure novatrice ou d'une participation à la Libération des ondes en août 1944 à Paris(5). Mais l'aventure schaefferienne nous porte hors de la capitale, en Amérique, en Afrique... et durant une carrière se déroulant entre 1936 et 1986 sous trois républiques et un Etat occupé, elle nous en apprend sur le genre politique et humain...

     Il était donc temps de réunir les morceaux épars pour tisser enfin la trame impressionnante de la continuité et en révéler d'autant la portée.

     Le nombre des archives se révéla tel, qu'elles ont nécessité un travail de dépouillement important(6). Tout était là écrit ou dit quelque part(7). Mais il fallait assembler, comparer, confronter, résumer si possible..., pré­senter et situer pour dissiper les malentendus tenaces, et insérer ici ou là, une petite explication pour renforcer quelque point crucial.

   Car les uns semblent avoir relevé un mets particulièrement original, d'ingrédients soit salés, dénaturant complètement la saveur de l'instinct, l'avance et la finesse de la pensée, soit sucrés pour mieux l'évacuer... Certains n'ont-ils pas assaisonné la recherche afin de fortifier leur production, voire de lui donner présence et autorité ?

     De cet amalgame alors sans nom, il est temps d'extirper les parts intactes d'éléments encore préservés de toute contamination, de purifier ceux dont les marmitons-chimistes ont peut-être abusé... Il est indispensable de retrouver la succession véritable des gestes schaefferiens ; l'ébullition autour des textes n'a que trop duré. Les errements de quarante ou cinquante années -déjà !-, selon les domaines d'investigation, suscitent notre volonté de servir l'Histoire en rectifiant, s'il se doit, celle à laquelle on croit trop vite, mais aussi de freiner la contagion répandue, en musique comme en mass media, par ceux qui se prétendent guérisseurs de nos maux, grâce (?) à de nouveaux fourneaux, amenés cette fois à domicile, au moyen des derniers progrès technologiques. La création musicale permise à tous, et la planète entière offerte à la vision immédiate de tous ?... Une situation peut-être encore davantage redoutable que minimisent les politiques. Le retour opportun à la télévision, d’une nouvelle série des Shadoks le rappellera sans aucun doute(8)

     Alors que tout ceci se dessinait, qu'en pensait Pierre Schaeffer ? Les avertissements et solutions médicinales ont été, par ses soins, immédiatement rédigés ou proclamés dès l'apparition des premiers symptômes. Il n'acceptait pas de se livrer à la soi-disant fatalité d'une époque de mutations qui offrait ainsi, en quelque sorte, son mystagogue...

     Les recherches schaefferiennes ont-elles donc engendré des conséquences bénéfiques ou des détournements, ont-elles bénéficié aux musiciens, aux radio­télévisions, aux structures de création, ou l'inventeur de laboratoires "nécessaires et impossibles"(9) a t-il prêché dans le désert ?

     Nos remerciements sont nombreux  : Premier Ministre, Ministres, Directeurs de Sociétés ou d'Archives d'Etat pour leurs autorisations dans les années 1990, Conservateurs, Documentalistes(10) pour leur accueil, Universitaires pour leurs encouragements... Nous n'oublions pas de même les auteurs ou éditeurs qui nous ont tous fort aimablement autorisé à reproduire les illustra­tions et schémas de cet ouvrage, y compris les autres contactés mais dont, faute de place, nous n'avons pu bénéficier, ainsi que le Centre de documentation de l'Institut National de l'Audiovisuel. Et puis comment omettre l'homme de l'ombre, relecteur(11), qui veilla à la moindre virgule ?  

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(1)
Ed. L'Harmattan, mai 1999, 416 p.
(2) Cf. PIERRET (Marc), Entretiens avec P.S., Paris, Belfond, 1969, 193 p.
Cf. BRUNET (Sophie), P.S., précédé de deux lettres échangées entre P.S. et S.B., mai 1969, Paris, Richard-Masse, coll. "hommes choisis", 1970, pp. 17-105 suivi de Réflexions de P.S., 1970, pp. 107-215.
(3) Cf. VOISIN (André), Adieu Grand Berger, Paris, Laffont, 1971, 285 p.
(4) Le lecteur trouvera en début de Bibliographie la liste des archives consultées pour la rédaction de cet ouvrage.
(5) Cf. notre précédent ouvrage, op. cit.
(6) Sur près de 8 000 pages, 200 émissions de radio et une dizaine de télévision.
(7)
D'où notre volonté de mentionner la moindre référence pour renvoyer chaque idée à sa source suite à une analyse détaillée des articles et ouvrages, et pouvoir notamment la dater.
(8)
Depuis le 30 janvier 2000 sur Canal +, mais heureusement en diffusion non cryptée !
(9)
Expression de Michel POLAC lors de son émission de télévision Les étés de "Droit de réponse", T.F. 1, 15 VIII 1987.
(10)
Notamment Jocelyne TOURNET, schaefferienne s'il en est.
(11)
M. Claude SERREAU mérite aussi d'être recité.

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